Luxe
"A new day"
Winston McAnuff et Fixi sont de retour avec une nouvelle galette lumineuse
A propos de
- Et si les macadams de Kingston, Paris, New-York et Lagos, les montagnes de la Jamaïque et celles de la Réunion ne formaient qu'un seul et même pays? Cette nouvelle nation aurait alors son hymne : A New Day, galette lumineuse concoctée par deux irréductibles amoureux de la musique, sortie d'un tiroir ouvert il y a déjà quelques années. Quand en 2007 Fixi se retrouve aux côtés du Jamaïquain Winston McAnuff pour enregistrer Paris Rockin', entouré de son groupe Java, l'album se taille un joli succès (20 000 ventes). Là, les deux compères signent l'acte de naissance d'une complicité qui n'avait pas dit son dernier mot.
- Six ans plus tard, voilà le deuxième chapitre de cette aventure qui, cette fois-ci, prend la forme d'un véritable duo. Si le socle de leur collaboration demeure le même, l'un à l'accordéon ou aux claviers, l'autre au chant –et les amis au rendez-vous – leur volonté de battre en brèche les frontières musicales atteint ici son point d'orgue. Le tandem convoque rock-musette, reggae, soul, blues, afrobeat ou maloya sur une même partition.
Mais à l'addition des genres, il préfère la fusion, pour mieux s'affranchir des codes et les transcender. Pour créer plutôt que copier.
- Dans cet éden musical, A New Day déploie ainsi sa propre texture musicale, nous invitant à emprunter des chemins labyrinthiques. Il y a ceux à parcourir en mode énergie, comme Garden of Love, joyeuse cavalcade dont la légèreté embarque l'esprit vers l'univers paradisiaque de l'amour. Il y a cette petite comptine bâtie sur fond de cha-cha-cha, Let Him Go, qui nous piège avec sa mélodie redoutable d'efficacité, prête à nous trotter dans la tête toute la journée. Il y a One, Two, Three, un maloya entêtant, pulsant au rythme du cœur et installant une transe, qui nous mène du tourbillon jusqu'au vertige, sans d'autre raison que celle de la liberté. Tout comme Economical Crisis, redoutable antidote contre la crise, dont la frénésie réveillerait les morts.
- Il y a aussi You and I, aux couleurs de l'afrobeat, emmené ici par les baguettes du maestro Tony Allen en personne, ancien batteur de Fela, friand d'expériences, dont le concepteur de ses derniers albums n'est autre que... Fixi. Signe d'une maturité évidente, ce projet ambitieux, réalisé par Olivier Lude (Vanessa Paradis, -M-, ...) se devait de réunir quelques uns des inspirateurs fondamentaux de ce grand voyage musical. Outre Tony Allen, Olivier Araste de Lindigo (jeune groupe de maloya très populaire à la Réunion, dont le dernier opus a aussi été réalisé par Fixi) est également de la partie. Sans oublier l'ami –M-, à la guitare, l'ami Cyril Atef aux percussions sur certains titres, et bien d'autres gardiens de cette famille mélodieuse.
Dans ce fringant eldorado musical, la paire infernale sait nous inviter à flâner sur des chemins plus méditatifs. L'impulsion débridée et explosive des débuts, toujours généreuse, s'ouvre maintenant sur une démarche plus recherchée, où s'éveillent spleen et spiritualité.
- Wha Dem Say, blues incantatoire, laisse s'épanouir avec superbe la voix brute et cabossée de Winston McAnuff, grand soul man, rappelant celle d'un Bobby Womack, tout en affirmant sa forte personnalité. En parfaite communion avec l'accordéon de Fixi, elle campe un univers grave, apaisant, qui regarde le monde avec distance, l'interroge, loin de son bouillonnement et de son urgence permanente. Cette dimension philosophique, parfois sociale, traverse Heart of Gold (une femme qui échange son cœur contre de l'or), Johnny (une jeunesse perdue par manque de repères, puis brisée par la prison), Don't give up (les illusions qui rendent aveugle sur le véritable amour) ou A New Day (éclaircie réconfortante ponctuant l'album sur un avenir lumineux qui ne tient qu'à nous). Sommet de la mélancolie et du lyrisme, If you look appartiendra sans doute à ces rares mélopées qui soignent l'âme.
- On ressort serein de ce jardin enchanté qu'est A New Day, comète réjouissante dans le paysage actuel des musiques formatées. Sans doute fallait-il être rebelles jusqu'au bout, comme ont osé l'être Fixi et Winston McAnuff, pour lui impulser cette vie qui parle à tout le monde. I'm a rebel, affirme ce dernier dans le seul titre véritablement reggae de l'album, aux fins accents marleyens, divulgués par des chœurs féminins qui résonnent comme les I Threes.
Rebelles jusqu'au bout des ongles, pour tracer leur route et nous convier à cette valse universelle, venue d'ailleurs et de nulle part.
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