Luxe
Une rencontre avec Madjid Khaladj
Le 18 mars prochain au Théâtre Adyar!
Un beau soleil d'hiver me réveille ce matin et la journée ne fait que commencer. Quelle joie de pouvoir rencontrer l'un des beaux ambassadeurs de la culture Perse, Madjid Khaladj.
Au festival d'Ile de France, le chant de Parissa m'avait déjà envouté lors de son concert à Fontainebleau. Dès la première seconde, je fus touché par sa présence. Elle m'avait transporté vers des chemins plein de poésie. J'avais pris sans le vouloir un billet d'avion vers des paysages et des contrées que j'ignorais, un chemin en moi, un chemin ailleurs, un chemin d'ailleurs. J'en étais sorti comme laver de toute onde négative, apaisé. Il y a quelque chose de magique dans la musique Perse, d'autres dirons mystique.
Madjid Khaladj accompagnaient Parissa lors du concert.
Je compte bien sûr Madjid pour m'en dire plus sur cette culture si méconnue en France.
Franck Taisset : La culture Perse.
Madjid Khaladj : La musique classique persane découle d'une tradition millénaire. Elle était déjà jouée par les Sassanides à la cour du roi, bien avant l'arrivée de l'Islam. Elle a développé un lien étroit avec la poésie. Elle est basée sur la métrique poétique. Un système qui permet de séparer les syllabes courtes et longues auxquelles on attribue une valeur musicale.
FT : Les poètes Perses.
MK : Rûmî pour son approche du soufisme, Hâfez pour l'amour qui a tant influencé Goethe, Saadi pour son intelligence, Khayyam pour le nihilisme.
La poésie persane est une manière d'approcher le monde, une vision de monde que l'on retrouve dans la musique, les jardins, l'architecture, les tapis, la calligraphie et les miniatures persanes. Une représentation du paradis.
Avant l'utilisation de l'alphabet arabe, nous utilisions des lettres cunéiformes proches du chinois. Nous avons une préoccupation du vide comme en Asie, sauf que nous remplissons ce vide à l'extrême.
FT : La Nature.
MK : Il est important aussi d'évoquer le lien étroit avec la nature. Pour le musicien, la musique est une pratique personnelle comme une méditation. Nous sommes dans la contemplation permanente, au milieu d'un jardin rempli de roses et de fontaines. Pour nous la contemplation est une vertu. Ce n'est pas perdre son temps. Elle est d'ailleurs l'un des fondements du soufisme et des rythmes zoroastriens.
FT : Le soufisme.
MK : Le soufisme est une ouverture à la tolérance. Il existe trois mondes : le monde réel, le purgatoire (que l'on retrouve dans Dante) et le monde des idées. A l'origine, il y a l'observation qui converge par la suite vers la créativité. L'inter monde est un lieu de création et de poésie. On y retrouve aussi une certaine relativité, on est assez proche de Niezsche. On s'approche de la vérité par la métaphore, l'abstraction et l'intuitif. Il n'y a pas de vérité, mais de la sincérité. C'est ainsi que l'on rejoint l'esprit de l'inter monde.
FT : L'inter monde que l'on retrouve dans ta musique par l'improvisation.
MK : Je joue avec Hossein Alizadeh, l'un des plus grands maîtres contemporains de musique persane. A l'origine il y a une musique par jour dans le répertoire. Nous en avons créé d'autres par la suite. Hossein entre dans la grande ligne de la transmission et de la création. Avant chaque concert, nous nous réunissons ½ heure dans le silence, puis sur scène nous improvisons à partir de la tradition. Tout converge vers la représentation d'un autre monde. Nous sortons du cadre comme dans les miniatures persanes vers un autre ailleurs. Il y a un oiseau sur une branche en dehors du cadre.
FT : L'art.
MK : Tout commence par la maitrise technique d'un instrument, d'un pinceau... Puis après, il y a la nécessité intérieure chère à Kandinsky. Elle pousse à aller vers un moyen pour s'exprimer. Et enfin l'écoute intérieure, c'est le début de la contemplation des jardins cachés en chaque être. Le début de l'inter monde. L'art permet de combattre la mort et de générer le rêve.
FT : Une initiation.
MK : L'art véhicule une émotion, un sentiment, tout être à la capacité de ressentir ça. C'est comme le chaud et le froid. Tout le monde ressent la chaleur. L'art fait ressortir quelque chose de caché. Lorsque Michel Ange sculpte, il libère la pierre, il donne forme a quelque chose qui existait déjà dans la pierre.
Interview réalisée par Franck Taisset pour Caleluna
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