Luxe
Une déesse à voix humaine
« Je me présente, je m'appelle Envie, j'aimerais bien réussir ma vie, être aimée... »
Mais qui est Envie ?
Je vous aide un peu. Nous sommes dans le 16ème, à Paris.
Certes, Envie n'est pas un nom humain (il y a tellement peu d'humains qui sont réellement en vie).
Alors ...?
J'avais l'habitude de voir des mémères, beaucoup de mémères promener leur chien dans le 16ème.
Mais aujourd'hui au bout de la laisse, il y a une jeune femme, dans toute sa féminité et son ambivalence, Circé Deslandes, chanteuse de profession.
A l'autre bout du fil, une magnifique chienne de race spitz, Envie, qui a commenté toute notre interview... Elle m'a dit plein de choses, presque autant que sa maîtresse. Elle a forcement fini sur mes genoux, je parle de la chienne bien sûr !
Franck Taisset : Tu nous présentes ?
Circé Deslandes : Elle s'appelle Envie ou En vie, c'est comme tu veux. Elle m'accompagne partout, en studio, sur les tournages, au supermarché, elle ne tient pas en place... Je mets ça sur le compte de la jeunesse ! Elle a 9 mois, c'est une ado encore...
FT : Etre en vie.
CD : Je l'ai eu à un moment particulier de ma vie, où j'avais besoin de me reconnecter à moi-même, à mes désirs, à mes élans vitaux. D'être en vie. Comme une urgence.
FT : Il y a donc un lien très fort avec ta chienne, un air de ressemblance peut-être ?
CD : On dit souvent que les chiens ressemblent à leur maître. C'est vrai qu'on a la même couleur de cheveux toutes les deux. Puis elle est vive, curieuse, elle renifle partout, elle gratte, elle cherche. Un peu comme moi.
Circé Deslandes - Oestrogenèse
FT : Une ressemblance que l'on retrouve aussi dans ton album Oestrogenèse, qui est très intime.
CD : C'est un album très intime parce que je l'ai fait avec comme matière première ma propre existence. Ca peut avoir un côté égocentrique et/ou exhibitionniste, mais j'ai du mal à écrire sur des choses que je n'ai pas vécu. Enfin, ça m'est arrivé quelquefois d'écrire des chansons purement fictives, mais ce qui est amusant, c'est que j'ai vécu par la suite ce que j'y racontais. Il y a un côté prophétique dans le chant. Il faut faire attention à ce que l'on écrit.
Circé Deslandes - Ta bite
FT : Ta bite ?
Je relève que tu as dit Ta bite. D'habitude, les hommes disent Ma bite. Ce qui donne lieu à des dialogues totalement absurdes : « Mais ce n'est pas Ma bite ! C'est Ta bite ! » Tu vois le genre...?
Ta bite est une chanson d'amour. Ni plus ni moins. Il est davantage question d'amour que de sexe dans ce morceau. C'est l'idée que « par les sens, on accède à l'essence ». Après, les gens y voient ce qu'ils ont envie d'y voir...
FT : C'est une belle déclaration d'amour. Jamais une femme n'avait parlé de désir avec une telle profondeur je trouve. Dans ton album juste après ce titre, nous retrouvons Mon ventre est un caveau . Est-ce la suite de Ta bite ?
CD : Oui. C'est la suite.
FT : Le sang est très présent dans ce clip.
Cette chanson est une prière, une incantation. Le désir d'une femme d'être grosse de l'homme qu'elle aime. C'est l'histoire d'un bébé fantôme coincé dans les limbes, qui ne viendra jamais s'incarner dans sa chair. Le sang dans ce clip évoque bien sûr le sang menstruel. Mais c'est avant tout le sang du deuil.
FT : Tu m'évoques d'une certaine manière l'enfantement. Comment se passe l'accouchement d'un album ?
CD : C'est une épreuve difficile. Cet album a été très très long à concevoir. J'ai mis énormément de temps pour m'entourer des bonnes personnes. Puis finalement j'ai rencontré Kid Loco qui l'a réalisé, qui a su alléger la lourdeur de certains de mes textes par une musique très ronde, très solaire. Marc Collin ( producteur de nouvelle vague) a réalisé Exquis cadavre et Oestrogène. On retrouve les guitares de Yan Péchin (guitariste de Bashung, Brigitte Fontaine...) sur le morceau Pour oublier. Régis Aubert et Gaëlle Ferrand ont réalisé L'incommunicabilité.Ce qu'on omet souvent de dire c'est que j'ai co-composé la plupart de ces titres avec mon ami Jean-Christophe Malbaut, qui a été mon guitariste au temps où je m'appelais Cécilia H.
Et maintenant voilà, je suis dans la « phase de désespérance », le moment où tu n'en peux plus, où tu voudrais qu'on t'achève, ce moment où le bébé n'a jamais été aussi proche de la sortie. Je suis en train d'abandonner dix ans de ma vie tout de même. Ce n'est pas rien...
Interview réalisée par Franck Taisset pour Caleluna.
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