A propos de
- Qu'est-ce qu'un lieu ? Quels rapports, de nostalgie, de désir, de hantise, peut-être d'effroi, entretenons-nous avec nos lieux, passés ou présents ? Ces questions sont centrales dans l'œuvre de Pascal Quignard, dont la géographie profonde se déploie des lieux de l'enfance aux lieux rhétoriques et accorde un statut singulier aux maisons, aux jardins. Mais les lieux géographiques comme l'Orient ou l'Italie, les lieux temporels, la Préhistoire, l'Antiquité, trament également l'œuvre en profondeur. Or si la question du temps a été explorée par la critique, la spatialité est moins abordée, alors qu'elle joue un rôle capital. Cette spatialité est marquée par le corps et son inconscient, comme le mettent en scène les romans et les contes de Pascal Quignard, mais elle joue aussi le rôle de métaphore dans une pensée de l'écriture, de l'espace littéraire. Enfin, le lieu, le monde ne peuvent être pensés sans recours à l'ailleurs, « l'autre monde », que suggère l'importance accordée aux ports, aux berges et aux rivages.
Carte de visite
- Actes du colloque du Havre, 29 et 30 avril 2013.
- Sous la direction d'Agnès Cousin de Ravel, Chantal Lapeyre Desmaison et Dominique Rabaté.
- Collection : Les Cahiers de la NRF, Gallimard.
- Parution : 06-02-2014.
- Textes et contributions de Sonia Anton, Sarah Barbedette, Mireille Calle Gruber, Agnès Cousin de Ravel, Bénédicte Gorrillot, Gisèle Grammare, Jacques Henric, Chantal Lapeyre Desmaison, Arlette Farge, Irène Fenoglio, Pierre Lepape, Guilherme Massara, Catherine Millot, Yves Ouallet, Jean-Louis Pautrot, Édouard Philippe, Nathalie Piegay Gros, Philippe Pintore, Dominique Rabaté, Pascal Reghem, Lea Vuong, Françoise Wilder. Entretiens avec Pascal Quignard.
A propos de
- «MÉDIUM (du latin medius, au milieu) : Personne susceptible, dans certaines circonstances, d'entrer en contact avec les esprits.»
Pourquoi un titre au singulier alors que les « médiums » sont ici multiples ?
- Il s'agit de différents types de médiumnités qui vont se concentrer sur le narrateur, celui qui est susceptible de sentir ce qui correspond à ses facultés de médium et qu'il découvre petit à petit, que ce soit ce massage médiumnique tout à fait imprévu ou le « produit », pris à des doses variables. Il y a aussi le fait de rentrer en contact avec des personnages qui peuvent être eux-mêmes considérés comme de très grands médiums, c'est-à-dire sentant les situations, devinant ce qui va se passer en observant. C'est le cas de Saint-Simon ou du trop méconnu Lautréamont.
- Donc, « médium » au singulier – si c'était au pluriel, toutes ces expériences très différentes ne seraient pas convergentes. Le narrateur est un médium qui découvre sa propre médiumnité en fonction des réponses qu'il reçoit.
Face à la folie du monde, vous préconisez la contre-folie...
- La thèse, ici, est très simple : nous vivons dans un grand hôpital de fous. Ce n'est pas nouveau qu'on puisse penser que l'humanité est folle, Pascal disait déjà : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n'être pas fou. » Il n'empêche que, devant un certain nombre de preuves concrètes – l'usine des cadavres, la drague par géolocalisation, tous les projets de PMA, de GPA... –, l'expérience de ce XXIe siècle avancé consiste à reprendre toute la question de la folie.
- Comment s'organiser pour ne pas être contaminé ? Il s'agit de défendre, par des moyens appropriés, une identité heureuse, qui est une forme de non-folie. Ces moyens, d'ailleurs, demandent peu de moyens : ce n'est pas extraordinaire de louer un petit appartement à Venise, dans un quartier populaire où les gens vivent comme ils ont toujours vécu, et d'y aller une fois par semaine. Quel que soit le moyen, il devra être aux antipodes de la peoplerie ambiante !
Ces exercices de contre-folie évoquent des exercices de retraite spirituelle, mais sans dimension religieuse ?
- Tout à fait. La contre-folie est une activité : face au mouvement perpétuel de la folie, il s'agit de proposer un autre mouvement perpétuel, selon la formule de Pascal : « Qui aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire aurait trouvé le point. C'est le mouvement perpétuel. »
- Il faut en quelque sorte combattre la folie du monde. Combattre ? oui, c'est une guerre, la contre-folie a une signification politique. À titre concret, il s'agit en effet d'exercices spirituels, comme la lecture des classiques à trois heures du matin ou la prise de substances.
Parmi ces classiques, vous préconisez Saint-Simon...
- Saint-Simon vit à Versailles, qui est alors le centre du monde, là où tout se passe. Ouvrez les Mémoires : tout ce qu'il y a, ce sont des naissances et des morts, mais le regard, les portraits, sont formidables. Cela dit, Saint-Simon, qui est revenu de tout, ne croit pas en Dieu, mais il croit au diable !
Comment comprendre « Le français, langue de la plus grande mémoire possible » ?
- Il n'y a que les Français qui ne s'en rendent pas compte, mais la France est le pays de la ré-vo-lu-tion. Pas seulement de la « Révolution française », mais de la révolution mondiale, qui n'a pas encore produit tous ses effets. Donc, c'est, ou ça a été, la « grande nation », comme disaient les Allemands, où l'histoire a tout d'un coup changé de dimension. C'est l'aspect politique du roman : la patrie, c'est la langue, et je pense que le français est la langue qui peut traduire absolument toutes les autres, parfois en mieux. C'est aussi la mémoire dont les Français sont accablés, ils se sentent coupables, et ils n'ont peut-être pas tort.
- C'est donc une question d'Histoire, il me semble que l'Histoire se sent dans ce livre. Il n'y a là aucune proclamation, mais une distance qui montre la dévastation dans laquelle on vit. Mais sans s'indigner ni réclamer, simplement montrer ! Montrer, aussi, que la mémoire disparaît : la lecture est en danger, la mémorisation elle-même est en danger.
Entretien réalisé à l'occasion de la parution de Médium en janvier 2014. © Gallimard.
Carte de visite
- Auteur : Philippe Sollers.
- Editeur : Gallimard.
- Date de parution : 02/01/2014.
- Collection : Blanche.
Mais encore
A propos de
- Témoins vigilants, observateurs attentifs, il arrive parfois que les romanciers se voient confier des vies pour les raconter dans leurs livres. Ils font alors fonction d'écrivain public. C'est ce qui m'est arrivé il y a deux ans lorsqu'un ami, qui avait été opéré de la prostate, m'a démandé d'écrire l'histoire de son ablation. Je l'ai écouté pendant des heures. Je l'ai accompagné dans ses pérégrinations hospitalières. Je suis devenu ami avec le professeur d'urologie qui le suivait. L'idée d'un livre s'est imposée peu à peu. Un livre utile qui rendrait service aux hommes qui subissent cette opération, mais aussi à leur entourage, leur femme, leurs enfants, leurs amis, qui ne savent comment réagir. Mais la situation était délicate : fallait-il, comme le demandait mon ami, tout raconter, tout décrire, tout révéler? Après réflexion, j'ai choisi de tout dire.' Tahar Ben Jelloun.
Carte de visite
- Auteur : Tahar Ben Jelloun.
- Editeur : Gallimard.
- Date de parution : 02/01/2014.
- Collection : Blanche.
A propos de
- «Pour les enfants, la sexualité est un grand livre invisible. Chacun d'entre eux déchiffre cette part du monde en improvisant son propre alphabet. Que devient cet alphabet? Avant qu'il ne soit trop tard, j'ai voulu raconter comment l'abstraction du sexe, pourtant si concrète dans le corps et dans les perceptions, s'est imposée à l'enfant que je fus. Pendant plusieurs mois, j'ai compilé des notes sur un carnet, concernant la sexualité en général, son insatiable mystère, les souvenirs sexuels que j'ai accumulés – et fantasmés – jusqu'au début de l'adolescence. À mesure qu'avançait mon exploration, la parole des autres est devenue nécessaire. Celle des amis, des anonymes, des personnages de fictions, des livres qui me hantaient, des images qui me brûlaient. J'ai voulu tout dire, pour qu'il ne reste que les secrets.» Arthur Dreyfus.
Carte de visite
- Auteur : Arthur Dreyfus.
- Editeur : Gallimard.
- Date de parution : 02/01/2014.
- Collection : Blanche.
A propos de
- Écrites dans les années 1960 et 1970, ces quatre nouvelles se déroulent dans le Taïwan de l'époque de la guerre froide et du miracle économique, sources historiques de profondes mutations sociales et de déchirements identitaires dont certains effets perdurent aujourd'hui. Remarquable narrateur, Hwang Chun-ming traite de sujets polémiques à travers des récits savamment construits et aux personnages inattendus : un cadre d'entreprise entraîné par sa passion pour une chienne, un père de famille miséreux renversé par la voiture d'un officier américain, un homme-sandwich tourmenté par ses pensées et ses souvenirs, un jeune représentant de commerce attiré par une fillette solitaire. Parfois grinçant mais toujours plein d'humanité, c'est l'humour qui donne à ces récits toute leur force, leur saveur et leur authenticité.
- Principal représentant de la littérature dite «du terroir», Hwang Chunming a été un des premiers à faire de Taïwan et de ses particularités culturelles le matériau de son œuvre. Lorsque de jeunes cinéastes lanceront, au début des années 1980, le mouvement de la «Nouvelle Vague taïwanaise», ils adapteront plusieurs de ses récits au grand écran, désireux de rétablir une identité taïwanaise distincte de celle de la Chine mythique promue pendant quatre décennies par le régime de Chiang Kai-chek et de son fils.
Carte de visite
- Auteur : Chun Ming Hwang.
- Traduction : Matthieu Kolatte.
- Editeur : Gallimard.
- Date de parution 31/01/2014.
- Collection : Bleu de Chine.