Cygne en cocotte lutée
On se souvient que le début d' Un amour de Swann, (seconde partie de Du côté de chez Swann (1913) de Proust)prend place dans le salon bourgeois des Verdurin. Snob, migraineuse et select, Madame Verdurin, « la Patronne », sait recevoir – autant dire qu'elle donne peu – et, chez elle se côtoient quelques-uns des personnages essentiels de la Recherche : Odette de Crécy qui y invite bientôt Charles Swann ; et puis le baron de Charlus, bien plus tard. Madame Verdurin agrège autour d'elle un « noyau » de « fidèles » qu'elle trie sur le volet. Si elle se veut sélective, elle tremble de se retrouver seule. Pour le carême surtout. Alors, 1913-2013... Ca se fête, non ? ! toasts, petits-fours et caviar, me direz-vous ? Chez les Ver-du-rin !, en plus !!! Non, non... que dalle ! Rien à becqueter. Pas de pique-assiette !!! Nada. Pas de femme non plus (sauf Odette – œuf corse - et l'épouse du Docteur Cottard) ! Pourtant le couvert est « toujours mis » : to the happy few, pour les fidèles, je vous l'ai dit au début : suivez, quoi ! Rien à grailler là-bas, qu'on se le dise. On en vient à se demander si Madame Verdurin n'a pas inventé la cuisine étoilée : c'est bien joli mais on n'a rien à manger, même si on a une faim de loup. C'est sidérant : des pages et des pages de soirées chez les Verdurin et rien : pas le moindre détail du menu , pas même un amuse-gueule, rien. Affamés, fuyez ! Alors, dans ces premières pages d'Un Amour de Swann, dans tous ces dîners chez les Verdurin, qu'est-ce qu'ils mangent tous ces habitués, ces privilégiés, ces élus, ce petit « noyau » ? Rien . Des mots. Madame Verdurin nous nourrit de mots : elle est spirituelle.Circulons, y a rien à boire (ni à manger). Le noyau est l'hyperbole du pépin. Sec, raclé, nu. Olivier Dubocage pour Caleluna
mais encore ... "Une rentrée très Proustienne pleine de promesses."
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