PORTRAIT D OLIVIER BARROT
Olivier Barrot, journaliste, écrivain, producteur TV, prof à Science Po.
F.T : Quel rôle joue la culture dans votre vie ?
- Olivier Barrot : La culture est pour moi « un en soi », ce que je suis finalement. J'étais dedans tout petit, grâce à mon père. Nous étions de petits bourgeois, nous avions peu d'argent. Mes parents étaient vraiment hostiles à l'idée de la possession. Ils m'ont néanmoins offert des passerelles, l'élégance de l'univers de la culture dans les spectacles, les théâtres, les livres, le sport. Ils m'ont ouvert à la curiosité, à la tolérance, à la création. Ma mère était parfaite, mon père beaucoup moins. Je n'ai jamais réussi à le faire parler, d'où mon œuvre « Le fils perdu ».
F.T : Comment en êtes-vous venu à travailler dans la culture?
- Olivier Barrot : La culture est un univers où je me trouve naturellement bien, de par mon éducation. A cela, c'est ajouté une grande chance dans ma vie, celle de travailler très jeune dans la culture. J'ai commencé à travailler après mes études à la maison de la culture de Créteil. A cela j'y ai rajouté beaucoup de déterminisme et de volonté... Je me définis aujourd'hui avant tout comme journaliste. Le journalisme n'est pas seulement un métier, c'est avant tout un état d'esprit, une manière de se comporter, une curiosité, une intégrité, une façon d'être au monde et un esprit critique. Cela m'a permis de travailler dans des univers diversifiés de la culture. Aujourd'hui, j'ai pour projet de relancer un magazine sur la culture, un peu différent de « Senso » qui a aujourd'hui disparu. Je suis par ailleurs maitre de conférences à Science Po, j'enseigne aussi à New-York. Je suis sensible à la transmission. Toutes mes activités culturelles me permettent de mettre en pratique mes convictions idéologiques et sociales.
F.T : Quelles sont vos convictions en matière de culture ?
- Olivier Barrot : Je suis sensible à l'éducation permanente, au théâtre populaire... Je suis comme vous avez pu le deviner de gauche. Je suis d'accord avec Jean Villar sur toute sa pensée, ses écrits. L'idée par exemple que le théâtre est un droit public, comme tous les autres droits. Je défends l'idée de Frédéric Mitterrand, que j'aime beaucoup, de l'élite pour tous. Mais attention tout le monde n'a pas envie ni besoin de culture.
F.T : Vous défendez beaucoup l'idée de la culture populaire ?
- Olivier Barrot : Oui, pour moi il n'y a pas de hiérarchie de la culture, j'aime la culture populaire comme toutes les autres. Derrière la culture, il y a un effort, un travail comme dans le sport. J'aime beaucoup le sport, j'en ai fait beaucoup. J'aime la gestuelle d'un sportif tout comme d'un chef d'orchestre. Je mets cela au même niveau, il n'y a pas de sous culture. Il n'y a rien de plus beau qu'un lanceur de javelot, vous imaginez la technicité, la précision, pour moi c'est comme une chorégraphie. C'est artistique. Je suis aussi très sensible à la technique au théâtre, au son, aux éclairages.
F.T : Comment en êtes-vous venus à faire de la TV ?
- Olivier Barrot : Ma fille qui avait 11 ans à l'époque m'a beaucoup influencé: « Vas y Papa tu seras bon... »C'est comme ça que j'ai commencé à Canal +. Ce qui est drôle, c'est que ma fille aujourd'hui travaille à TF1 dans le domaine de la TV réalité. Aux antipodes de moi, j'adore ce qu'elle fait. Aujourd'hui, j'anime une émission littéraire quotidienne depuis plus de dix ans, « un livre, un jour », sur FR3. J'encourage à la lecture. J'essaie de dire à mon public ce qui m'a touché, bouleversé dans une œuvre. J'en présente une par jour. Depuis le temps, je suis en quelque sorte mon travail, je suis synonymique de mon activité.
F.T : Le livre reste essentiel à votre vie.
- Olivier Barrot : Oui, j'ai beaucoup lu, je n'ai pas tout lu, car on n'a pas assez d'une vie pour tout lire. Mallarmé disait « le monde est fait pour aboutir à un beau livre. » J'ai une révérence absolue pour les écrivains, mais aussi pour les musiciens, les acteurs... En fait, j'ai exercé des métiers de toutes mes passions. Mon activité a toujours été en rapport à mon goût. La passion est nécessaire, fondamentale, mais pas suffisante, il y a aussi le travail.
F .T : D'où votre dernier livre « Le fils perdu ».
- Olivier Barrot : J'avais commencé à écrire plus jeune. Une photo de Gérard Philipe et de mon père avait déclenché en moi une interrogation. Mais je n'étais pas tout à fait satisfait de mon premier texte. Je déteste l'amateurisme. J'ai eu longtemps le sentiment d'écrire le français, mais pas de la littérature. J'ai donné le meilleur de moi-même dans l'écriture de cette œuvre un peu autobiographique. Gallimard m'a fait le grand honneur de publier mon livre, une récompense suprême pour moi. J'ai beaucoup travaillé le style. La littérature est avant tout un style, avant d'être une histoire. Le style, c'est l'homme. J'ai bien l'intention de continuer à œuvrer.
F.T : Avoir élevé vos enfants semble être une des choses les plus importantes de votre vie, plus que la culture ?
- Olivier Barrot : Effectivement, plus que la culture, c'est dire... J'adore mes enfants comme rien d'autre. J'ai quatre enfants dont deux jumeaux. Il a fallu que l'on s'organise avec ma femme. On s'est réparti les tâches. Je vais vous dire des banalités, mais, par la naissance d'un enfant, on accède à une nouvelle catégorie de sentiments. J'ai beaucoup donné à mes enfants, les couches, les bains, le petit dej, tout ! En fait, j'adore les enfants, je suis un peu « gaga », je suis d'ailleurs grand-père maintenant. L'essentiel ce n'est pas l'éducation, l'éducation est importante mais l'essentiel est l'amour, l'amour qu'on leur donne. Surtout pour un père. L'amour d'une mère est naturel, pour un père les choses sont différentes. Il faut leur donner beaucoup d'attention, d'écoute, la culture vient après. Il faut aussi leur ouvrir les champs du possible, n'être pas restrictif. Ne pas trop intervenir dans leur vie. Je crois qu'il y a une chose que je leur ai transmise, c'est de ne pas accepter l'idée de la différenciation.
F.T : D'où votre goût pour les voyages...
- Olivier Barrot : Exactement, j'ai commencé à voyager à l'âge de 15 ans, je suis allé avec un ami à Vienne, puis à Prague. Je voulais tout voir. J'avais la curiosité de tout. J'étais le 22 août 1968 à Prague, pendant la révolution. Aujourd'hui, j'ai voyagé dans 170 pays environ et la journée n'est pas finie. La langue, la couleur de peau, la religion me sont peu importantes. J'exècre la différenciation, toutes les différenciations. Cela vient de mon éducation, de mes parents bien sûr. Dans ma jeunesse, l'homosexualité était une maladie. Je ne suis pas homosexuel, mais j'ai des amis homosexuels. On a heureusement évolué depuis. La différenciation amène au jugement, une infériorisation pas acceptable à mon sens. Il faut être vigilant, s'alarmer, prendre des positions face à cela. Dans l'histoire, les mêmes causes provoquent souvent les mêmes effets. Mais il ne faut pas voir dans l'histoire un caractère utilitaire. L'histoire est une transcription de l'espace et du temps.